(petite nouvelle datant de mai, en attendant que j'en ré-écrive, là je suis plutot sur le truc qui pourrait devenir un roman.. =) )
Jo.
- Pleure pas, me chuchote t’il, un air peiné sur son visage d’ange.
Je renifle, essuyant d’une main tremblante les larmes qui dégoulinent sur mes joues rosées. Des cadavres de mouchoirs sont éparpillés autour de moi, je suis encerclée par les vestiges de mes larmes. Ma tête rentrée dans mes genoux, recroquevillée sur moi même, mes cheveux en batailles retombent indisciplinés sur mes frêles épaules. Mes ballerines rouges gisent quelques mètres plus loin, sur la chaussée grise. L’une d’elle a perdu son nœud, comme moi j’ai perdu la raison.
- Jo, poursuit-il, c’est pas ta faute.
Il caresse doucement ma joue. Je frissonne et le regarde. Ce brun ténébreux au regard enflammé, il m’impressionne. Il m’a toujours impressionné. Pierre suffoque et prends de grandes rasades d’oxygène. Il me dit qu’une douleur le tiraille au dos. Je n’ose regarder.
La mère d’Amélie, une grande noire aux yeux magnifiques, sanglote doucement, sa tête posée sur le corps sans vie de sa fille. Le grand-père de Lise serre sa petite fille dans ses bras à l’en étouffer. Ils tourbillonnent devant le tableau fumant de l’école St Thomas, comme deux amoureux. Deux amoureux de la vie. Les durs de la 3èmeB sont assis en cercle non loin, toussant sans arrêt, tout air de défi ayant disparu de leurs visages décomposés.
St Thomas, carbonisée, brûle lentement et les gens hurlent des noms, d’une voix désespérée. Moi j’hurle le nom de Pierre. Trop tard. Et j’hurle tout simplement.
Le réveil sonne et me tire brutalement de ma rêverie. Il est 6H45, bientôt l’heure d’y aller. J’enfourne dans mon sac mes affaires de cours, ma trousse déchirée, et un paquet de cigarettes de mon père, discrètement subtilisé.
- Jo, tu crois vraiment que ça va s’arranger ?
Une bouffée de cigarette. Je souris à ma meilleure amie et lui passe un bras autour des épaules. Les salles de cours sont vides entre midi et deux, et l’aile du lycée n’a pas encore de détecteurs de fumée parce qu’elles sont en rénovation, on en profite. Mon regard diverge vers les rideaux effilés dont certaines ficelles tombent sur les bureaux noircis par des expériences infructueuses, d’autres sur l’étagère, remplie de produits dangereux. Ce dont Mrs Julien, professeur de chimie de son état, n’arrête pas de nous parler. Ne touchez pas à la fiole verte. Ne touchez pas à la fiole rouge. Blabla de conséquences. Toujours le même discours barbant.
- Mélie, tout ira mieux, bientôt. Et puis tu ne vas pas te mettre dans des états pareils pour un mec, l’oublie pas hein, c’est qu’un mec !
- Ouais, mais …
- Pas de mais ! Allez, viens. Je l’entraîne par la main.
Au moment de sortir, j’aperçois dans l’embrasure de la porte Mrs Bouvendier, la surveillante acariâtre qui vient tout le temps dans notre classe nous houspiller pour les papiers administratifs. Machinalement, je balance mon mégot et claque la porte.
Une, deux, trois secondes. Et soudain, le rideau bleu s’embrase.